La spiruline Française bio ou pas ?
Toutes les informations ci-dessous sont entièrement issues des travaux réalisés par la Fédération des Spiruliniers de France (FSF) (https://www.spiruliniersdefrance.fr/) un acteur majeur du développement de la culture de spiruline.
I- Qu’est-ce que la production biologique ?
C’est une méthode de production de denrées alimentaires excluant l’utilisation de produits de synthèse, d’Organismes Génétiquement Modifiés, ou de procédés pouvant modifier leur structure moléculaire ou le cycle naturel du vivant, tant pour faire croître et nourrir les plantes ou animaux destinés à la consommation humaine, que pour les soigner si besoin.
En outre, elle introduit une notion de cohérence globale, sociale et environnementale dans les méthodes de production, de transformation et les circuits de diffusion de ces denrées, en termes de proximité et de consommation d’énergie. Cette méthode a été définie pour la première fois en 1964 par l’association Nature et Progrès.
II- Comment cela se traduit-il ?
Aujourd’hui, l’agriculture biologique est régie par différents cahiers des charges : pour chaque type d’aliment (viande, légumes, lait...etc…), un ensemble de règles appropriées est défini afin de garantir le respect des fondements de la production biologique.
Quand on trouve un logo « bio » sur un produit, cela veut dire :
- qu’il respecte les règles d’un cahier des charges,
- que ce respect a été certifié par un organisme agréé, de type « Ecocert », « Qualifrance », « Véritas », etc. Il existe 8 organismes certificateurs en France, et beaucoup d’autres de par le monde.
Tout ceci serait simple si chaque pays, ainsi que des organismes privés, ne créaient leur propre cahier des charges, et leur propre logo « bio ». Nous pouvons distinguer deux types de logos chez nous, correspondant à deux types de cahiers des charges :
- le logo « AB » et le logo « feuille », attestant que le produit a été certifié comme répondant à un cahier des charges officiel et européen.
- des tas de logos de toutes natures, attestant que le produit a été certifié comme répondant à des cahiers des charges privés, dont le contenu est parfois tenu secret.
« Décortiquer » un cahier des charges « bio » demande des connaissances en physiologie et en biologie importantes.
III- Ce qu’il faut retenir
Un produit « bio » a été certifié par un organisme justement nommé « certificateur », comme répondant à un cahier des charges de production. CE N’EST NULLEMENT UN GAGE DE QUALITÉ DU PRODUIT !!!
Il existe de très bons produits « bio », comme de moins bons ; il existe de très bons produits « non bio », comme de moins bons !
IV- Comment produire une spiruline biologique ?
La spiruline est un être un peu particulier : on l’appelle « algue ou micro-algue » par abus de langage, mais c’est en fait une cyanobactérie (un organisme encore plus primitif que les algues) qui pousse dans des eaux douces et riches en sels minéraux. On ne la trouve pas dans la mer. Il est important de noter que la culture de spiruline ne nécessite jamais l’utilisation de pesticides.
Elle ne se nourrit que de minéraux (sous la forme d’ions) qu’elle trouve en solution dans l’eau où elle vit, sous des formes très simples : carbonates (carbone lié à de l’oxygène), phosphates (phosphore lié à de l’oxygène), et de même pour tous les minéraux dont elle a besoin : azote, indispensable à la synthèse des protéines, magnésium, fer...etc…
Tous ces minéraux, en proportions adéquates, vont lui permettre de fabriquer tous les nutriments qui font sa richesse alimentaire exceptionnelle.
Tous ces minéraux peuvent assez facilement provenir directement de la nature, donc répondre aux exigences d’un cahier des charges de production biologique, sauf un : l’azote.
Jusqu’en 2013, les sources d’azote connues et utilisées majoritairement pour nourrir la spiruline étaient toutes des produits de synthèse : la plus connue et répandue étant l’urée, élaborée à partir de l’azote de l’air. C’est un produit ne laissant pas de résidu dans la spiruline, mais dont le procédé de fabrication est énergivore et gros consommateur de gaz fossiles.
Pour pouvoir déposer un cahier des charges en phase avec les fondements de l’agriculture biologique, il fallait trouver une source d’azote provenant de la nature et assimilable par la spiruline.
En 2013, des travaux (Hyes) ont permis d’expérimenter une alternative : l’extraction d’azote volatile issu de matières organiques. En 2014, la création en France d’unités capables de produire de l’ammoniaque et du sulfate d’ammonium issus de la méthanisation ou de composts a permis de mettre le bio à la portée de tous les spiruliniers.
Restait à vérifier que « ça marche », à créer le cahier des charges, à le faire reconnaître par les Institutions, pour ensuite pouvoir se faire certifier, et avoir enfin la possibilité de produire une spiruline véritablement « bio ».
V- La spiruline bio et française, un long feuilleton réglementaire !
La France est le seul pays au monde où l’on compte autant de petits producteurs de spiruline (selon les standards internationaux, un petit producteur cultive une surface de bassin inférieure à 2500 m²). Hormis plusieurs projets industriels, 98,7 % des 150 producteurs français sont « petits » et vendent localement : ils produisent environ 20 % de la spiruline consommée dans l’hexagone ; les 80 % restants sont importés.
En 2009, la trentaine de producteurs existant alors créée la Fédération des Spiruliniers de France (FSF), avec pour principal objectif la rédaction et le dépôt d’un cahier des charges de production biologique et l’obtention d’un label « AB ».
Les travaux et expérimentations sur le projet de Cahier des Charges national « spiruline bio » ont démarré en 2013 (Planchon et Spiruline et Progrès et FSF) en partenariat avec la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB). Un projet de Cahier des Charges bio a été déposé auprès des institutions le 18 mai 2015.
Ce cahier des charges a une envergure nationale, à l’époque la spiruline n’était pas recensée à l’échelle européenne. Il aurait ensuite servi de base à l’élaboration d’un cahier des charges européen.
Notre cahier des charges « atypique » au regard de l’agriculture biologique classique suscité beaucoup de questionnements et son examen à duré, duré…. et coup de théâtre : en janvier 2016, la spiruline est classée en « Algues Marines » par l’Europe : ce qui a rendu notre dépôt national caduc. Elle ne sera plus classée en « production végétale », mais ce classement ouvre la voie à une certification biologique sous le régime du cahier des charges bio pour les Algues Marines (n°889/2008), qui s’applique au plus tard le 7 mai 2017.
Cependant, La DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) a bien inscrit en France la spiruline en « Production Primaire Végétale » pour le Guide de Bonne Pratique d’Hygiène (GBPH) …
Nous l’avons vu plus haut, la spiruline n’est NI UNE ALGUE, NI MARINE, ce cahier des charges européen n’est pas adapté à notre production. D’ailleurs une partie des principes qu’il impose ne permettent pas de produire une spiruline de qualité alimentaire et bactériologique satisfaisante, en référence aux règles de production et de traçabilité mises au point durant toutes ces années par la FSF.
POURTANT, l’arrivée de ce « cahier des charges » européen permet, par un régime dit « d’équivalence », l’importation de spirulines « biologiques » provenant de pays tiers, dont les cahiers des charges ne nous sont pas connus.
Les spirulines provenant de pays tiers sont le plus souvent produites dans de grands sites industriels parfois à ciel ouvert, et séchées par atomisation à haute température : on obtient ainsi directement de la poudre. Rien à voir avec l’idée et les exigences que nous avons en France pour une « Agriculture Biologique ». Une fois importées, elles peuvent obtenir le label bio européen par le système d’équivalence internationale.
Certaines spirulines affichent aussi des Mentions « Ecocert » ou « Naturland » qui sont des labels privés, établis par des sociétés privées, qui ne correspondent pas à des réglementations nationales ou européennes en matière d’agriculture biologique.
CECI EST TRÈS IMPORTANT : Il ne faut pas confondre le nom de l’organisme certificateur et le cahier des charges permettant l’apposition d’un label. L’amalgame entre les deux est fréquent.
VI- Et maintenant on fait quoi ? La course au label ?
- Un producteur ou un revendeur sérieux mentionnera toujours l’origine de ce qu’il vend, et sera capable de répondre de sa qualité alimentaire et bactériologique.
- Suite à d’importants protocoles de recherche financés par eux-mêmes, puis par le Ministère de l’Agriculture, LES PRODUCTEURS DE LA FSF ONT CRÉÉ LES NORMES EN VIGUEUR DANS NOTRE PAYS : cahier des charges de traçabilité, Guide des Bonnes Pratiques d’Hygiène, Cahier des charges de production biologique.
- Les travaux se poursuivent encore au moment où nous écrivons cet article, et vont se poursuivre dans l’avenir.
- Les normes françaises ont été validées
- Elles garantissent la qualité alimentaire et bactériologique de votre spiruline.
Les producteurs de la FSF souhaitent produire une spiruline qui puisse être labellisée « Agriculture Biologique » tout en préservant le niveau de qualité et de sécurité sanitaire qu’elle défend et promeut depuis toujours.
En France aussi, des industriels de l’agro-alimentaire voient la production de spiruline « bio » comme une opportunité de prendre de nouveaux marchés. Ils sont donc prêts à tout pour proposer avant les autres une spiruline « bio française », quitte à la cultiver selon un cahier des charges inadapté, sans recul, et quitte peut-être même à prendre des risques sanitaires ou vendre un produit qu’on ne peut qualifier de « spiruline » : à titre informatif, la spiruline ne contient naturellement pas d’oméga 3, pourtant on trouve sur le marché des « spirulines » dont la composition en mentionne.
La FSF, en tant qu’expert, poursuit ses échanges avec les instances réglementaires s’occupant du sujet. Elle a déposé des demandes de règlement détaillé pour la spiruline dans le cadre « Algues marines »
Ces demandes sont actuellement transmises par le Ministère de l’Agriculture français aux groupe d’experts européens qui va les examiner sous 2 à 3 ans.
En attendant nous aurions une validation de notre Ministère pour l’azote issu du stripping de matières organiques d’origines végétales. Des comptes rendus d’essais ont été présentés aux rencontres. Ils confirment la possibilité d’utiliser une source d’azote issue du stripping pour la culture de la spiruline.
La FSF alerte aussi l’Europe, sur la nécessité de définir un classement plus adapté pour la spiruline : une catégorie « cyanobactéries » différente des micro-algues et macro algues dans le chapitre Algues.